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dimanche 20 novembre 2011

Des Gens très bien d'Alexandre Jardin


Livre publié en 2011 chez Grasset

Allez, tiens, pour changer de la littérature de jeunesse, voici l'avis sur ce livre d'Amerrante, moi-même, déjà publié sur le site Viabooks en début d'année:

Les livres qui font polémique ne m'attirent guère habituellement. Pourtant, tout ce que j'ai lu et entendu au sujet de ce livre ne m'a pas empêché de l'apprécier. Le style d'Alexandre Jardin est, certes, empreint d'arrogance et d'emphase mais c'est ce qui, selon moi et paradoxalement, témoigne de sa sincérité et rend ce texte si savoureux. Pourquoi, en osant écrire un tel livre, emprunterait-il un style sobre qui n'est pas le sien?
Il nous livre une bonne analyse de la nécessaire acceptation de la culpabilité, ce poids avec lequel il est si difficile de vivre.
L'analyse qu'il nous livre de la manière dont les gens qui ont commis des horreurs peuvent tout de même se considérer comme "des gens très bien" est intelligente de lucidité.

Pourquoi j’ai aimé ? : 
Parce que l'auteur aborde avec sincérité et finesse le thème de la culpabilité et des tabous familiaux. 
Ça parle de quoi ?: 
De la difficulté pour l'auteur d'accepter que son grand-père travaillait pour Vichy quand a eu lieu la rafle du Vél d'Hiv. 
C’est écrit comment ?: 
A la manière de l'auteur, dans un style emphatique qui s'assume. 
On lit où: 
Dans un endroit confortable et calme tiens! 
On offre à qui ?: 
A ceux qui aiment se poser des questions. 
Et aussi, pour conclure: 
Osez l'aimer!

L'ennemi de Davide Cali et Serge Bloch

Paru aux éditions Sarbacane en 2007
De 7 à 77 ans

Cet album nous présente deux soldats, chacun dans son trou. Ils sont tous deux convaincus de devoir tuer l’ennemi, qui est « une bête sauvage » sans pitié et sans humanité. Cet album, très sobre dans son illustration et son texte, nous montre un soldat faisant la guerre pour des choses dont on l’a persuadé ; il croit se battre pour sauver les siens et pour défendre les valeurs des hommes, les vrais. Il finit par se rendre compte que l’ennemi, l’autre, c’est son semblable, un autre lui-même embrigadé lui-aussi et ne défendant rien d’autre que ce qu’il défend lui. Cet album nous rappelle de faire attention à ne pas nous tromper de combat, de ne pas vouloir à tout prix faire de l’autre un ennemi alors qu’il nous ressemble plus que l’on ne croit. L’ennemi, bien souvent, c’est nous.

« S’informer, utiliser son esprit critique, agir individuellement et collectivement sont les fondements du travail d’Amnesty International pour dénoncer et faire cesser les atteintes aux droits humains. C’est à cette prise de conscience qu’appelle l’histoire de ces deux soldats. »
                                                                                                          Amnesty International

lundi 14 novembre 2011

Six milliards de visages de Peter Spier

Album publié à l'école des loisirs initialement en 1981
Dès 4 ans
      Voilà un album parfait pour aborder le thème de l'altérité avec les enfants! Il nous présente les différences qui peuvent exister entre les hommes dans leurs modes de vie, leurs goûts, leurs façons de s'habiller, de se loger, etc., tout en identifiant aussi régulièrement des ressemblances. Je trouve que cet album est essentiel pour que les enfants prennent conscience qu'ils vivent dans un monde bien plus grand que leur village ou leur région 

mardi 8 novembre 2011

Une cicatrice dans la tête de Valérie Pineau-Valencienne

Roman paru chez Pocket
A partir de 15 ans

     J'ai lu ce livre il y a deux ans environ et, comme je travaille sur l'altérité en ce moment, je suis allée rechercher les commentaires le concernant que j'avais laissés sur Viabooks (Amerrante comme ici). Ce livre est paru chez Pocket dans la collection « Jeunes Adultes ». Ce choix se discute car un tel récit peut être lu à tout âge. L’auteure y narre l’apparition et l’évolution de sa maladie, l’épilepsie. Elle la décrit le plus fidèlement possible et le lecteur est ainsi amené à s’identifier à elle, à se faire une idée de ce que peut être la vie avec cette maladie. Ce témoignage est très précieux car il ne s’agit pas d’en faire une leçon de vie ou de sombrer dans un pathos superficiel mais, au contraire, de montrer que, malgré la maladie, on reste une personne comme les autres, avec ses forces, ses failles et que ce qu’on redoute le plus est d’être stigmatisé et isolé.


lundi 7 novembre 2011

Mon voyage inoubliable de Bhajju Shyam avec Sirish Rao et Gita Wolf

Album publié aux éditions Syros en 2006
A partir de 8 ans et pour TOUS!

         Cet album a été un vrai coup de coeur pour moi! Il nous présente le voyage de Bhajju Shyan, artiste aborigène indien, chargé de décorer un restaurant à Londres.Il n'a jamais voyagé et ne connaissait rien de cette ville. Le récit qui nous est fait et, surtout, les dessins qu'il a lui-même effectués, sont fascinants! Voici un court extrait dans lequel l'auteur présente sa conception de l'art:
                 "Nous, les Gond, avons une façon bien à nous de penser et de dessiner le monde. La réalité ne nous intéresse pas. Seule compte notre vision intérieure." 
          Ainsi, il peint non pas ce qu'il voit mais ce qu'il ressent et ses dessins qui nous sont, tous, expliqués de manière très simple, nous traduisent la manière dont il vit sa condition d'étranger à Londres. Il subit ce que l'on appelle un "choc culturel" mais le vit très bien. Il a en lui la capacité de s'adapter très facilement à un changement radical de mode de vie, ce qui peut nous paraître assez surprenant. 
          L'album est, tour à tour, drôle, émouvant, subtil et toujours singulier. Il nous invite, je crois, à ce qu'on peut appeler pompeusement la "décentration", la faculté d'adopter la posture d'un autre. A la lecture de ce livre, on essaie de comprendre ce que peut ressentir un étranger à la vue de notre civilisation et notre monde nous apparaît différemment. 
         Je termine par une citation des éditeurs de l'album:
                  "Quand, par bonheur, l'un de ces hommes rares , doté à la fois d'une compréhension intuitive des choses et d'un pouvoir d'expression exceptionnel, fait escale à Londres, ce qu'il a à nous dire est stupéfiant."








dimanche 6 novembre 2011

Murmure de Christian Lagrange

Album paru aux éditions de La Martinière Jeunesse en 2007
Je poursuis ma lecture d’albums pour enfants traitant du thème de l’altérité avec ce livre qui nous amène à réfléchir sur les murs construits pour séparer les peuples ; on pense au Mur du Berlin, on pense au mur séparant Israéliens et Palestiniens.
Une jeune fille rencontre une souris et est obligée de faire un trou dans le mur pour la voir. De cette façon, elle fait la connaissance d’un petit garçon qui ne parle pas la même langue qu’elle mais avec qui elle partage d’emblée une grande complicité. Des émeutes ont lieu ; la jeune fille apprend qu’un enfant a été tué ; elle a peur. Par chance, il ne s’agit pas de son ami.
Ce livre traduit l’incompréhension de cette fille, de l’auteur, de nous tous, face à ce besoin de créer des murs pour empêcher les populations de se voir. Le titre du livre renvoie à la souris rencontrée dans les premières pages et qui est baptisée par la jeune fille « Murmure » ; il renvoie à ce qui se cache derrière cette frontière et qui vit comme nous.
En exergue de ce livre, une citation de Rabelais : 
« La moitié du monde ne sait comment l’autre vit. »
 



Soeurs et frères de Claude Ponti

Album paru à l'école des loisirs en 2010
A partir de 5 ans
Quel plaisir que cet album qui se présente comme un manuel à l’attention de tous, petits ou grands, ayant ou non des frères et sœurs ! Jetons un œil à la 4e de couverture :
            « Ta sœur est étrange ? Ton frère est bizarre ? Tu ne le comprends pas ? Ils ne sont pas prêteurs ? Ni rigolmarrants ? Ils coulent du nez ? Ils sont égoïstes ? Mous ? En dessous du niveau de la mer ? Cadavériqueux ? Ramolvisqueux ? Ce livre est pour toi ! »
            Voilà qui vous donne une idée du contenu. Claude Ponti nous définit ce que sont les frères et sœurs et en dresse une typologie des plus surprenantes, succession de petits monstres tous plus drôles les uns que les autres !
            Pour ma part, voici mes préférés : le type Sassainteté-Luisaime, esprit de perfection divine éthérée. Ectoplasme. Frappé méchamment par la grâce. Vivre avec : insupportable. Incite au ball-trap. » et le type Balourdingue : « Esprit d’éléphantesque impulsivité. Joyeuseté. Sautilleté. Communicabilité. Vivre avec : évacuer les personnes en porcelaine. »
            Ce livre se propose de démystifier par le rire cet autre qu’est le frère ou la sœur et si, malgré tout, vous ne parvenez pas à vous faire à l’idée de continuer à vivre avec, remplissez le formulaire à la fin de l’ouvrage : « demande d’exil lointain ou d’échange ».

vendredi 4 novembre 2011

On n'aime pas les chats de François David et Géraldine Alibeu


Album publié en 2006 aux éditions Sarbacane
A partir de 6 ans

Cet album traite du rejet de celui qui est différent, l’autre. L’histoire se passe dans ce qu’on peut penser être notre pays, à nous, lecteurs bien comme il faut, et les autres, ceux que nous montrons du doigt, ce sont les chats. Quand je dis « nous », je ne me trompe pas, le narrateur nous inclut dans ses propos : « On n’aime pas les chats. Voilà ! C’est comme ça. Ca ne s’explique pas. » Le lecteur est ainsi considéré comme faisant partie de cette masse de personnes rejetant les autres et c’est sans doute ce qui rend la lecture de l’album si dérangeante. Les êtres humains, nos semblables, sont toujours dans la pénombre ; ils n’ont pas de bouche mais leurs yeux sont luisants et malveillants ; leurs mains, quant à elles, sont gigantesques et leur silhouette menaçante. Les propos sont durs mais ressemblent à ces idées toutes faites, ces préjugés véhiculés par le plus grand nombre. Le chat et ses semblables partent, après avoir subi rejet, menaces et exactions. C’est alors qu’on commence à jeter un regard suspicieux sur notre cousin lui-même. S’il devait y avoir une conclusion à cet album : malheureusement, il semble que les  hommes ont toujours besoin d’avoir un autre à rejeter. Notons toutefois qu’après avoir été chassés, les chats arrivent dans un pays où ils sont acceptés, une terre où on aperçoit des gens à oreilles de lapin, de souris ou à cornes de bélier.
Le thème et son traitement sont intéressants mais dérangeants. Est-ce que les enfants sauront prendre le recul nécessaire par rapport aux propos du narrateur ? De nombreux internautes se posent la question. Je pense qu’ils prendront le parti du chat mais ne comprendront pas nécessairement les raisons du rejet. Cette incompréhension est intéressante puisqu’elle se vit également au quotidien. J’envisagerais plutôt une lecture accompagnée qui amènerait l’enfant à s’interroger sur les préjugés que nous nourrissons tous à l’égard de certaines catégories de personnes et dont il faut nous méfier.